Paris Vegan Day
Interview de Deborah Brown Pivain
Directrice du Gentle-Gourmet (gentlegourmetbandb.com), organisatrice du paris Vegan Day (parisveganday.fr) et cofondatrice de la Société végane, Deborah Brown Pivain nous ouvre sa porte à l’occasion d’un brunch savoureux, nous raconte son histoire et dévoile les secrets de son énergie créatrice.
Deborah, tu es d’origine américaine. Comment es-tu arrivée en France ?
Je suis arrivée en 1978 pour faire ma troisième année d’université internationale.
Est-ce que tu te sens française ?
D’une certaine manière, oui. Presque théoriquement, à travers mes études, et aussi à travers une acquisition culturelle : une façon de recevoir, une façon d’agir avec les gens.
Tu as des enfants. Combien ?
J’ai trois enfants : deux garçons et une fille.
Peux-tu nous en dire un peu plus sur eux, d’autant que les deux plus jeunes travaillent avec toi ?
Mon fils aîné, c’est Grégoire. Il habite au havre. Alexandre, qui a 26 ans, a fait de l’histoire de l’art et de la gestion culturelle. Caroline, qui a 24 ans, a fait des études en hôtellerie restauration, puis un BTS tourisme et enfin une licence d’aménagement du territoire option tourisme et développement durable. Quand j’ai quitté la Normandie, où j’avais une chambre d’hôte avec un énorme potager bio que je faisais visiter au public, je suis venue à Paris. J’ai aussi voyagé un petit peu. Et pendant ce temps, j’ai peaufiné le projet de la troisième partie de ma vie, qui était de faire une entreprise végane pour promouvoir de la façon que je pensais la plus pertinente le véganisme à Paris. Mes enfants, qui étaient déjà véganes, étaient tellement enthousiastes pour ce projet qu’ils ont dit qu’ils voulaient le mener à bien avec moi. Ils se sont donnés bénévolement toute cette année à ce projet. Je suis fière et leur en suis reconnaissante car, sans leur travail, on n’aurait pas réussi à faire tout ce qu’on a fait !
Depuis combien de temps es-tu végane ?
Un peu plus de six ans.
Pourquoi et comment l’es-tu devenue ?
J’étais déjà végétarienne. Depuis longtemps, je considérais que manger de la viande, manger un poisson, manger un animal, c’était mal car je retirais une vie qui ne m’appartenait pas. C’était voler des vies. Ça m’apparaissait, au-delà même de la compassion, qui dépendrait de mes propres sentiments, comme relevant du domaine de la justice. Ça me semblait évident que l’animal cherchait à sauvegarder sa propre vie, donc que je n’avais pas à la prendre. Mais j’ai vu ensuite quelques vidéos et j’ai lu plusieurs articles qui m’ont fait comprendre que le lait que nous consommons généralement provient d’une industrie qui utilise les animaux, les maltraite. C’est une vie de souffrances pour les vaches et les veaux. C’est pareil pour les œufs. Un œuf, ça paraît anodin, mais les poules pondeuses ne sont pas dans les champs à gambader, à picorer : elles sont dans de toutes petites cages, entassées. Leur corps est usé et utilisé comme un objet de très peu de valeur. Alors je me suis demandé si je pouvais consommer des produits nés d’une telle souffrance. Ça m’a pris à peu près deux jours : deux jours après avoir vu les vidéos, je me suis dit que je ne voulais rien avoir à faire avec tout ça. Les gens me demandent parfois si c’est dur. Non, car quand l’impératif moral est là, ça devient très facile. Pourtant, comme j’ai vécu en Normandie, la crème, le fromage et les œufs étaient la base de l’alimentation. Mais au-delà d’un intérêt personnel, il y a une éthique. Il faut réfléchir au sens de ce qui est moral et juste.
Tu as arrêté le lait, les œufs, mais aussi le miel bien sûr.
Oui, et les gens ont plus de mal à comprendre. Mais même s’il n’y avait aucune souffrance pour l’abeille, pourquoi utiliser un être qui ne s’est pas proposé ? Je n’ai jamais vu une abeille me dire : « Je propose de te donner toute la nourriture que j’ai préparée pour mon hiver ». C’est voler quelque chose. Or je n’aimerais pas qu’on me vole quoi que ce soit ! En plus, pour récupérer le miel, la nourriture des abeilles, on les enfume, on leur impose des souffrances, même chez les petits apiculteurs. Et le miel provient en majorité de grandes industries où on coupe les ailes aux reines, on tue une bonne partie des ouvrières car c’est plus économique d’en avoir de nouvelles, on les transporte dans de longs voyages… On a du mal à comprendre cette souffrance parce que l’abeille est un tout petit être.
Y a-t-il des animaux qui vivent avec toi ?
Pas en chambre d’hôte, non, parce que légalement, on n’a pas le droit d’avoir des animaux quand on fait une activité liée à la nourriture. De ce fait, notre chien familial habite avec ma fille, qui a encore deux autres chiens qu’elle a adoptés. Caroline fait partie d’une association qui fait des sauvetages de chiens. Alexandre a aussi un chien qu’il a sauvé. L’autre jour, c’était très drôle car il y avait les quatre chiens côte à côte : un petit chien caramel, puis un chien un peu plus grand chocolat, ensuite un chien un peu plus grand blond, et un encore un peu plus grand noir. Ils étaient tous assis à la porte à attendre Caroline !
Avant d’ouvrir le Gentle-Gourmet, tu avais déjà des chambres d’hôte ?
Mon père venait d’une famille où il y avait 15 enfants, donc j’avais l’habitude qu’il y ait beaucoup de monde autour de moi. Aux pique-niques de famille, on était 125 ! À la campagne, chez mes grands-parents, on avait l’habitude de faire de grandes tablées avec les cousins, les frères et sœurs, les amis, de recevoir, de s’occuper de la maison et du jardin. Alors faire des chambres d’hôte pour 20 personnes, ce n’était pas grand-chose pour moi ! À un moment donné, j’ai essayé de faire, autour de mon potager, des chambres d’hôte. Et en venant à Paris, j’ai fait une toute petite chambre d’hôte mais avec un événement à organiser. C’est beaucoup de travail. Même quand il n’y a que deux personnes qui viennent, vous donnez à chacun un peu de vous-même. C’est la différence entre un hôtel et une chambre d’hôte. Ça prend beaucoup de temps, mais le contact est exceptionnel. Beaucoup d’activistes viennent, beaucoup de gens curieux, de couples mixtes (végétarien et végane, végétarien ou végane et omnivore).
Tu as parlé tout à l’heure de « troisième étape » dans ta vie. Peux-tu nous en dire plus ?
J’ai passé la première partie de ma vie aux États-Unis, avec le début de mes études universitaires. Deuxième partie de ma vie : je suis venue en France et me suis mariée, j’ai eu trois enfants, c’était très dense ! Et mon potager, c’était mon œuvre. J’étais fascinée par les fruits, les légumes, les fleurs, les herbes… J’en avais des centaines et des centaines de variétés. Ça a été une véritable explosion de connaissances sur le monde végétal, qui ne faisaient que confirmer mon sentiment qu’on pouvait vivre facilement et fabuleusement en explorant ce monde végétal, qui contient des centaines de milliers de variétés. Par exemple, les tomates : il y en a 4 000 variétés ! On ne s’ennuie pas !
C’est donc là qu’est né ce projet ?
Oui. J’ai peaufiné tout cela, puis j’ai commencé une troisième étape où je me suis retrouvée seule. Ou plutôt entourée de beaucoup d’amis et de mes enfants. Comme ils étaient grands, je pouvais me consacrer à nouveau à quelque chose qui me tenait à coeur. Toute petite, à 7 ans déjà, je voulais rejoindre Peace Power pour aller en Afrique. Donc c’était en moi. Là, j’ai pu me donner à 100 % à cette passion. Une passion, oui, car que peut-on trouver de plus important qu’oeuvrer pour la fin de la violence ? Violence envers toutes les personnes non humaines que l’on appelle animaux. Ils ne peuvent pas le faire eux-mêmes, nous si. Et la violence à leur égard est à l’image de la violence entre les êtres humains. Pourquoi ne pas oeuvrer pour une société meilleure ? Ce n’est pas idéaliste de penser qu’on peut changer les choses. Il faut seulement le vouloir très fortement et trouver ce qu’on sait faire. Moi, je sais faire du pain perdu, recevoir du monde, parler de mon sujet. Donc je me suis dit que j’allais rendre service aux gens qui ne souhaitent pas manger de produits d’origine animale. Je voulais même faire un institut culinaire, mais ce n’était pas le moment à cause des banques qui ne pouvaient pas suivre un projet à ce point d’avant-garde pour la France. On avait l’appartement à Paris et on a décidé d’en faire quelque chose. Les véganes, mais aussi les végétariens, les gens qui s’intéressent au végétarisme et au véganisme, les allergiques sont venus. Du coup, les allergiques au lactose se sont intéressés au véganisme et certains sont même devenus véganes parce qu’ils ont vu que c’était facile. Les gens qui réfléchissent à ça ont besoin de parler à un végane en personne pour savoir comment faire. L’idée de base, c’était donc de recevoir du monde, préparer des repas, faire des cours de cuisine et organiser des tours de jardins.
Que proposes-tu exactement au Gentle-Gourmet ? Profite de l’interview pour faire une peu de pub !
Le matin, on fait un petit déjeuner un peu personnalisé : plus ou moins copieux, avec des boissons, des yaourts, une salade de fruits et un plat préparé spécialement pour les gens (crumble, pain perdu, gaufres, pancakes…). On change tous les jours. Les gens savent qu’ils peuvent bien manger le matin car c’est parfois plus difficile de trouver quelque chose le reste de la journée. On ne fait pas de déjeuner mais on propose des pique-niques. Le soir, ce sont des repas extrêmement différents parce qu’on suit de très près les saisons. Par exemple, en ce moment, en octobre, on cuisine beaucoup les potirons, les noix, les poires, les figues. Ça change tout le temps, en fonction de ce qu’on voit au marché. Si on voit de belles cerises au mois de juin, il y aura une glace avec une soupe aux cerises !
Et ce dimanche Mation, c’est le brunch.
Oui ! On est en train de préparer à côté une tarte tatin aux figues, un petit gâteau salé avec des pois chiches, des oignons, de l’ail, sur lequel on va mettre des morceaux de carotte et de potiron rôtis avec des poireaux à l’étouffée. Le brunch, c’est tous les dimanches à 11 h.
C’est très alléchant ! Et pour dormir ?
On a trois chambres, voire quatre, sur deux appartements. Le petit déjeuner est compris dans le premier B&B. Tout est végane : les savons, la literie…
Comment trouvez-vous l’inspiration pour créer de nouvelles recettes ?
On regarde des livres de cuisine végane. Il y en a beaucoup en anglais, mais aussi quelques-uns en français maintenant. Je suis sûre que d’ici deux ans, il va y en avoir beaucoup d’autres. Je prends également beaucoup de recettes que je véganise. En général, c’est très facile. On peut remplacer les œufs par des graines de lin, des substituts d’œuf, des bananes… Ce n’est jamais un problème. On peut aussi s’inspirer de l’esprit d’une recette. Les possibilités sont infinies.
Quel est ton plat préféré ? Et celui de tes clients ?
Aïe, il y en a trop ! J’adore les légumes rôtis et le seitan. J’adore un plat qu’on fait en ce moment, une tarte tatin salée aux pommes et au seitan, avec une compote d’échalotes au cidre. On accompagne la tarte d’une purée de pommes de terre et de jeunes navets, avec de la moutarde en grains. C’est à tomber ! Les clients aiment beaucoup aussi. Et ce qui a plu à tout le monde l’autre jour, c’est quelque chose de simple et de traditionnel véganisé : des beignets avec une sauce au citron, de la crème de soja, des câpres, quelques pommes de terre, de la farine. Les gens ont l’impression de manger du poisson et retrouvent des saveurs d’enfance. La glace au citron est très appréciée aussi, ainsi que celle au gingembre confit.
Quel est le profil de ta clientèle ? Plutôt végane ou non végane ?
Je dirais 50 % de véganes, 50 % de végétariens et omnivores qui accompagnent souvent un végane ou un végétarien, mais aussi parfois qui sont simplement curieux. Souvent, un végane amène un groupe pour tester. Ce qui est bien, c’est quand l’une de ces personnes revient toute seule.
Je crois aussi que tu peux accueillir des crudivores.
Oui. Souvent, ce sont des gens qui viennent avec d’autres personnes. Alors j’essaie de faire la majorité du repas cru, mais pour faire plaisir à tout le monde, je fais aussi des plats classiques pour le reste du groupe. C’est une alimentation intéressante, très saine, à découvrir.
Est-ce plus difficile pour une femme d’être chef d’entreprise ?
C’est plus facile pour une femme d’avoir autant d’activités ! Depuis toujours, les femmes ont l’habitude de faire plein de choses à la fois. En fait, elles ont toujours travaillé, dans l’agriculture par exemple. Elles se sont toujours occupées des enfants, de l’instruction morale… Donc avoir une entreprise, avec sa famille comme partenaire, c’est plus facile pour une femme. Mais vis-à-vis des banques, c’est peut-être plus difficile. Et si vous n’avez pas d’argent, beaucoup de gens pensent que vous ne pouvez rien faire. Mais vous prenez ce que vous avez et vous vous demandez ce que vous pouvez faire avec. Ça peut être des amis, un talent… Si votre but est louable, c’est incroyable comme les banques s’ouvrent. Il faut vouloir travailler, avoir un plan, des buts. Tout le monde peut faire quelque chose.
As-tu fait évoluer ton entreprise par rapport au début ?
On a commencé avec la chambre et la table d’hôte, le brunch, on a ajouté les cours de cuisine. Une personne associée, qui s’intéresse beaucoup à l’écologie, a investi pour qu’on puisse ouvrir une deuxième partie du B&B, avec deux chambres de plus. Se sont ajoutés aussi des tours de jardins. L’année prochaine, avec un grand cuisinier américain, auteur de livres, qui tient un restaurant, on va ajouter pendant une semaine ses cours de cuisine à mes tours de jardins. Ce sera entièrement végane, à moitié raw food. J’appelle ça Extravaganza, car c’est un rêve pour tous ceux qui aiment la cuisine végane et les potagers.
Caroline et toi avez-vous d’autres projets ?
Avec ma fille, nous avons décidé de faire une pâtisserie végane à Paris, mais aussi dans d’autres pays. Et puis on veut ouvrir un hôtel entièrement végane, le seul au monde dans un milieu urbain. Ce sera à Paris, et peut-être aussi ailleurs. On aura même une personne en cuisine formée sur les allergies. Donc si quelqu’un a une allergie aux noix, au lactose bien sûr, au gluten, on pourra lui préparer des plats tenant compte de ces impératifs. Ce sera une première ! On fait ça par solidarité, respect et empathie car ces gens n’ont pas choisi leur problème de santé. C’est beaucoup de travail parce qu’il faut être très minutieux, mais quel plaisir de pouvoir rendre aux gens le service de pouvoir se reposer et manger comme tout le monde !
Le Gentle-Gourmet a été certifié végane. Comment cela s’est-il passé ? Qu’est-ce qui a été vérifié exactement ?
La Vegan Society britannique, la première société végane au monde, a un système pour vérifier que les entreprises sont véganes. Ils vérifient ce qui est souvent problématique, comme le beurre végétal, les savons, le linge. On a même utilisé une peinture écologique. En général, les produits véganes sont aussi écologiques, biologiques, issus du commerce équitable. C’est très bien car ça nous permet de perfectionner notre travail, d’être clairs et de mieux promouvoir une vie où les animaux ne sont pas utilisés. J’espère qu’en France, on pourra profiter d’un tel système.
Et qui pourrait faire cette certification ?
Je pense que la nouvelle Société végane française, dont l’existence me réjouit, sera la mieux placée pour la faire. Il faut du monde pour démarcher les sociétés car c’est un travail de longue haleine. Les gens qui s’en occupent doivent connaître le tissu économique et social français.
Que penses-tu de la Vegan Society des Etats-Unis ?
La Vegan Society américaine est petite. Ce n’est pas vraiment le reflet de la Vegan Society anglaise, qui est pour moi la référence. Il y a tellement de mouvements véganes aux États-Unis que la Vegan Society n’y a pas de rôle prépondérant. La Vegan Society anglaise est très bien. Elle a changé au cours des années, bien sûr, puisqu’elle date de 1944. Elle est maintenant très active. C’est une référence que peuvent utiliser tous les autres groupes véganes.
Et quelles différences y a-t-il d’après toi, entre le véganisme aux Etats-Unis et le véganisme en France ?
On parle de deux choses bien distinctes. Les véganes aux États-Unis sont issus de deux groupes. Il y a des jeunes, qui sont devenus directement véganes, et des personnes qui étaient souvent végétariennes depuis vingt ou trente ans et qui sont devenues véganes. Qu’est-ce qui est différent de la France ? Aux États-Unis, il y a déjà des centaines de livres de cuisine végane. Il y a un énorme mouvement sur les droits des animaux, parfois confus, même contradictoire, mais important. Contrairement à la France, c’est quelque chose de commun de parler des animaux. Il y a de grands restaurants, des célébrités véganes, c’est donc plus connu. En France, jusqu’à récemment, ça a été un peu caché.
Que penses-tu du rôle de la nouvelle Société végane française dont tu as parlé tout à l’heure ?
Déjà, en tant que cofondatrice, j’aime beaucoup ! Plus sérieusement, il y a des tas de choses à faire. Je pense qu’on a besoin d’un groupe qui réunit les renseignements. Une sorte d’Académie française du véganisme, qui doit rester neutre. J’y tiens beaucoup. Il faut laisser les différents groupes faire de l’activisme. Ils ont des opinions et des démarches différentes, s’intéressent à différents aspects de la cause animale et sont nombreux. Il faut donc un groupe qui reste neutre, or la Société végane peut modérer et fédérer tout le monde. Il ne faut pas faire comme aux États-Unis, où il y a des dissensions qui freinent l’avancée du véganisme.
Je pense que tous les fondateurs de la Société végane sont d’accord là-dessus. Pourquoi et comment as-tu créé le Paris Vegan Day ?
J’étais assise à table avec mes enfants. On était en septembre. Je leur ai dit : « Les enfants, dans un mois, c’est le World Vegan Day. Il faut qu’on fasse quelque chose ! Faisons un festival ! » Ça a commencé comme ça. La semaine suivante, j’ai reçu VeganPower et Kardinal de VG-zone pour le brunch. Je ne les connaissais pas. Quand j’ai su qu’ils avaient un blog concernant la nourriture, je leur ai demandé s’ils voulaient faire un festival végane avec moi. Nous n’étions que tous les trois ! Et chaque semaine, au brunch, je demandais aux gens : « Vous voulez faire un festival végane avec moi ? » On était trois au départ, puis cinq, puis sept. On a fait ça en quelques semaines de travail. Et puis finalement, on était des centaines de personnes au petit festival !
Et maintenant, combien y a-t-il de personnes qui organisent le deuxième Paris Vegan Day ?
Le noyau, ce sont deux personnes qui travaillent presque à temps complet, à savoir Caroline et moi. Mais Alexandre, mon fils, travaille beaucoup au Gentle-Gourmet pour nous permettre de consacrer autant d’heures à l’organisation. D’ailleurs, il a financé l’année dernière une grande partie du Paris Vegan Day. Il y a énormément de gens qui font énormément de choses ! C’est un travail d’équipe. Kardinal s’occupe du site Internet, VeganPower fait tout le temps des gâteaux pour financer le Vegan Day, Marie, Löu et elle ont créé un magnifique e-book regroupant des recettes, d’autres personnes font des flyers, des dessins, s’occupent de lever des fonds… Ça coûte terriblement cher de faire un festival comme ça ! Nous, on a donné beaucoup d’argent, et on fait une tombola, on va vendre des livres… L’année prochaine, on aimerait embaucher du monde pour aider notre association mais aussi d’autres pays. L’idéal serait d’avoir des festivals partout, car c’est la meilleure façon de promouvoir le véganisme. Cette année, c’est au moins dix fois plus grand. On va essayer de montrer les divers aspects du véganisme, on va parler de tout. C’est le premier grand festival végane en France, ce sera aussi un salon. Il y a du monde d’un peu partout pour soutenir, découvrir. Des gens viennent du Canada, des États-Unis, d’Angleterre, d’Allemagne, de Suède, d’Australie, d’Espagne, d’Italie, de hollande, d’Irlande, d’Inde, de Belgique… C’est extraordinaire, il y a beaucoup de Belges, ils viennent en car !
On va parler du véganisme sur le plan nutritionnel, écologique, on évoquera les enfants, le b.a.-ba, le comment et le pourquoi du véganisme… Il y aura des conférences de toutes sortes, des démonstrations culinaires toute la journée, par des professionnels mais aussi des gens qui aiment cuisiner, des auteurs de livres seront présents, des musiciens… Il y aura même des activités avant le festival, comme un Thanksgiving pour les Américains le 25 novembre, un festival latino le 26, un grand brunch…
Comment vois-tu cette manifestation dans l’avenir ?
J’aimerais bien qu’il y ait un festival tous les ans. On peut aussi s’associer à d’autres festivals, faire d’autres événements dans l’année. Il faut voir ce qui est nécessaire pour aider ce mouvement à se développer. C’est pour ça qu’on fait un grand festival gratuit. Ainsi, les personnes intéressées peuvent venir. Alors on demande à tous les véganes d’acheter des billets de tombola. S’ils le font, ils permettent à des gens curieux de venir et de découvrir le véganisme. C’est un acte d’activisme, de générosité et de solidarité. Il faut des fonds très importants pour accueillir tout le monde.
As-tu des anecdotes au sujet du Paris Vegan Day ou du Gentle-Gourmet ?
L’année dernière, le Vegan Day s’est vraiment déroulé dans la bonne humeur. Quand on est arrivés, les plaques ne marchaient pas, il n’y avait pas de place dans les réfrigérateurs, pas de micro, il y avait cinquante fois plus de personnes que ce qu’on attendait… Mais l’effervescence était incroyable ! Et puis une fois, au Gentle-Gourmet, il y a eu une panne d’électricité. Eh bien, on a fait beaucoup plus de raw food que prévu, on a mis des bougies, et finalement ça a été une soirée romantique et très réussie. Les gens étaient contents. Tout est dans la manière dont on traite les choses.
Je me demande quel est ton secret : comment trouves-tu toute ton énergie ?
Ça vient peut-être de tous les fruits et légumes que je consomme ! Plus sérieusement, c’est la passion. Rendez-vous compte qu’en enseignant et en promouvant un mode de vie particulier, vous aidez à éradiquer la faim dans le monde, à régler le problème de la pollution, à sauver la vie de tant d’animaux, vous avez l’esprit léger, ce qui n’est pas rien dans le monde dans lequel on vit, vous vous assurez de ne pas avoir de problèmes cardio-vasculaires ! Tout ça, ça me donne de l’énergie. Il faut y croire à fond et suivre son cœur ainsi que son éthique.
Que fais-tu pour trouver du temps libre et te détendre, te ressourcer ?
En réalité, je ne regarde pas la télévision. Ça me libère énormément de temps ! Je prends beaucoup de plaisir à discuter avec les gens de mon B&B, qui me parlent de leur vie. C’est incroyable car au lieu de regarder la téléréalité, vous l’avez chez vous ! Je lis aussi beaucoup de livres pour mon travail, sur l’écologie, les animaux, etc. J’ai une vie extrêmement satisfaisante.
Es-tu heureuse ?
J’ai la vie la plus heureuse qui soit. Je sais que ce que je fais aide beaucoup de monde, d’une manière ou d’une autre. Promouvoir la paix, la non-violence me donne une pêche incroyable ! Qu’est-ce qui pourrait me rendre plus heureuse ?
Caroline, que peux-tu ajouter à ce qu’a dit ta mère ?
Deborah, c’est bien sûr ma mère, mais c’est aussi une collègue et une amie. On travaille en binôme. Je travaille aussi avec mon frère et mon compagnon. Je les remercie pour leur engagement. L’année dernière, on a fait un événement culinaire pour montrer que le véganisme ne rime pas avec salade et frites, mais avec gastronomie, saveurs et couleurs ! Après le gros succès de cette première édition, nous avons décidé, avec de nombreux véganes et végétariens, d’organiser un vrai salon. Je trouve ça très touchant que des gens viennent de partout !
Et toi Alexandre ?
Je pense que le véganisme va devenir quelque chose de plus commun dans les cinq prochaines années. C’est un des buts qu’on s’est donnés.
Propos recueillis par Jasmine Perez
Novembre 2010